[ Création ]

timon d’athènes

William Shakespeare & Étienne de la Boétie, Karl Marx, Machiavel
adaptation, traduction & mise en scène Cyril Cotinaut, Sébastien Davis

avec Julien Aubrun, Aliénor De Georges, Frédéric de Goldfiem, Yann Lheureux, Thomas Rousselot, Cyrielle Voguet musique Henry Purcell Son Gwenaël Gaudin lumière Albane Augnacs scénographie Rachel Verdonck production TAC.Théâtre coproduction ARPA, Théâtre National de Nice - CDN Nice Côte d’Azur avec les dispositifs de résidence accompagnée La Fabrique Mimont - Cannes en partenariat avec l'ERAC, de L’Entre-Pont - Nice avec le soutien d'Arts Vivants en Vaucluse Auditorium Jean Moulin - Le Thor et de la SPEDIDAM avec l’aide à la création de la DRAC Lorraine, du Conseil Régional de Lorraine

Rencontre avec l’équipe artistique à l’issue de la représentation du samedi 21 janvier.

Les metteurs en scène Cyril Cotinaut et Sébastien Davis ont choisi l’une des pièces les plus fascinantes de Shakespeare, portée sur scène par les plus grands, de Brook à Chéreau. Dans une nouvelle adaptation, ils font le pari de mêler l’actualité à une tragédie qui puise ses racines dans la Grèce antique. Comme un arbre mis à nu par un coup de vent glacial, Timon, le généreux philanthrope ayant tout perdu, quitte Athènes, écœuré par l’hypocrisie et l’indifférence de ses “amis”. À travers son voyage sans retour au pays de la misanthropie, le héros shakespearien incarne l’itinéraire d’un homme face aux rouages de la société. En toute fidélité au classique mais dans une langue parfaitement actuelle, Cyril Cotinaut et Sébastien Davis bâtissent un théâtre de réflexion à partir d’un long travail d’improvisation avec leurs acteurs. Le résultat est profond, joyeux, piquant, ponctué de performances d’acrobates et de danseurs, et des mélodies de Purcell traduites en musique contemporaine. Athènes devient une métaphore évoquant la dette grecque et la faillite du système bancaire mondial. Timon apparaît comme un héros d’aujourd’hui qui démonte brillamment tous les mécanismes liés à l’argent et à la perte d’humanité qui en découle.

Comment ne pas céder à la pression d’un monde matérialiste pour garder notre humanité et notre sens de l’amitié ? Telle est la question centrale de cette tragédie shakespearienne intemporelle.

Le spectacle a été créé le 2 décembre 2016 au Forum Jacques Prévert de Carros.

entretien avec Cyril Cotinaut

Propos recueillis par Caroline Audibert

Timon subit un revirement existentiel. De citoyen philanthrope, il devient réaliste misanthrope. Deux postures irréconciliables ?

Leur opposition structure la pièce. La première partie est fondée sur l’opulence, la richesse et la foi puissante en l’homme, les valeurs positives de l’amitié et la solidarité. Puis on bascule dans une partie sur l’austérité, avec un dialogue très fort sur le mépris. Peter Brook, qui a monté cette pièce, dit que Timon est un personnage de la démesure. Timon va très loin. Il souhaite l’extinction de l’humanité, il veut que la peste décime les Athéniens. Il décide d’aller au bout du processus de misanthropie, jusqu’à la haine de lui-même. Son suicide témoigne d’un échec de la société.

Aujourd’ hui, que nous dit l’ermite misanthrope, le nihiliste ?

Timon se rapproche de ces figures de la tragédie grecque, qui sont des modèles ou anti-modèles. En explorant les extrêmes, on peut espérer trouver la juste mesure des choses. Comprendre que la vengeance nous conduit à notre propre mort, que la misanthropie et le refus de la société ne peuvent que démonter tous les mécanismes politiques. En appréhendant le chaos, on comprend la chance que nous avons de vivre en démocratie, qui n’est pas un système parfait, mais qui est le meilleur qui soit.

C’est une pièce qui questionne la valeur de l ’argent. Quelle résonance a-t-elle aujourd’ hui ?

Dans notre actualisation de la pièce, nous posons la question de savoir comment aujourd’hui il est possible de surfer sur la richesse et de tout perdre. C’est très shakespearien. Nous avons relu la pièce à la lumière des théories économiques modernes, de la philosophie d’Étienne de la Boétie et de la problématique de la dette grecque. Or celle-ci est surtout une perte de confiance des créanciers. Tous les États sont endettés, à commencer par les États-Unis, qui ont un taux d’endettement autour de 100 % de leur PIB. Les Grecs ne sont pas plus endettés que les autres ! Timon d’Athènes permet de montrer que la dette n’est pas un mécanisme purement comptable, mais un mécanisme de peur et de confiance.

Et ce mécanisme peut fragiliser le système politique de la démocratie, dont le berceau, coïncidence shakespearienne, est à Athènes ?

La pièce est vraiment criante d’actualité et nous rappelle que si on continue dans cette voie-là, la démocratie pourrait être mise à mal. Elle nous interroge : comment les frustrations et les déceptions politiques, humaines, le climat de peur... créent un terreau favorable à la montée des nationalismes, des extrémismes ? C’est peut-être au bord du gouffre que l’on commence à prendre conscience des problèmes. Quand il y a une catastrophe nucléaire, on se demande s’il ne faudrait pas arrêter le nucléaire...

Votre approche du théâtre est-elle une forme d’engagement citoyen ?

“- Comment va le monde, Monsieur ? - Il s’use à mesure qu’il grandit”, entend-on dans la pièce. Sans avoir la prétention de changer le monde, autant se tourner vers des pièces visionnaires, qui puissent nous mettre devant nos responsabilités. Le théâtre est un moyen de raconter la vie des hommes aujourd’hui. Et Shakespeare, c’est ça, cette éternelle question de savoir comment on fait pour vivre parmi les hommes. Il faut une organisation, mais elle prive de libertés, c’est très compliqué... Il faut continuer à essayer.
À travers Timon, nous racontons une histoire positive, une utopie à laquelle nous avons envie de croire. “Il n’y a pas de temps pour ne pas devenir honnête”, dit un autre personnage. Il est toujours temps de devenir responsable. En ce sens, en essayant de mettre à jour certains mécanismes, notre façon d’aborder cette pièce est très brechtienne. On peut essayer de changer le monde. Il y a 99 % de chance que ça ne marche pas, mais 1 % pour que ça marche ! Donc il faut essayer. Monter cette pièce, c’est pour nous un acte citoyen, aussi mineur soit-il.

“Le théâtre est un moyen de raconter la vie des hommes aujourd’hui. Et Shakespeare c’est ça...”

saison 2016-17
Timon d'Athènes

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