[ Création ]

clytemnestr@pocalypse

David Turkel d’après Euripide & Eschyle
traduction Marie-Paule Ramo
mise en scène Dan Jemmett

avec Valérie Crouzet production Eat a crocodile coproduction Maison des Arts de Thonon-Les-Bains, Théâtre National de Nice - CDN Nice Côte d’Azur, Théâtre d’Athis-Mons. Dan Jemmett est artiste associé à la Maison des Arts de Thonon-Les-Bains.

Rencontre avec l’équipe artistique à l’issue de la représentation du samedi 25 mars.

À l’écriture comme à la mise en scène, les géniaux et irrévérencieux David Turkel et Dan Jemmett ont pris quelques libertés pour conter le Clytemnestre d’Euripide. La tragédie se déroule dans un motel américain. Humour noir, langue crue et conclusions sanglantes sont les ingrédients de ce diptyque au suspense fou. Pour ce premier volet présenté ici, seule en scène, Clytemnestre attend son mari Agamemnon. Elle lui prépare un bain, cuisine un bon repas et décore de cotillons le bar-and-grill qu’elle tient au bord de la route. Elle se revoit des années avant aux côtés de son mari, repense au jeune Achille devenu soldat, mais une chose la hante plus que tout : le sort funeste de sa fille, Iphigénie, assassinée par Agamemnon.

Ses ruminations vengeresses, accompagnées d’une musique country sentimentale venant d’un vieux jukebox, mettent en abîme l’impensable. Valérie Crouzet, actrice fétiche de Dan Jemmett, nous ensorcelle dans un texte contemporain et explosif semant le rire au cœur du pire.

Dans une Amérique kitch et cinématographique, la tragédie grecque s’empare de nos émotions avec toute sa puissance, traversant les siècles sans une ride.

www.ksamka.com/ksamka-production--creations.php#dan-jemmett-clytemnestr-a-pocalypse

entretien avec Dan Jemmett

Propos recueillis par Caroline Audibert

Pourquoi avoir choisi cette Amérique comme décor pour camper l’ histoire de Clytemnestre ?

Au cours de mes voyages aux États-Unis, j’ai été marqué par les petites communautés des Appalaches en Virginie et dans le Kentucky. Avec le dramaturge américain David Turkel, on a imaginé un bar du coin aux Appalaches où Clytemnestre vit avec les spectres de son passé. Ça a un côté fin du monde. Et ça me fascine ce penchant “survivor” des Américains qui se préparent pour la fin du monde dans des lieux où elle semble vraiment très proche. J’ai aussi été frappé par le nombre de soldats que l’on rencontre partout, surtout dans les aéroports. Ceux qui partent à la guerre en Irak ou en Afghanistan sont souvent très jeunes. Pour beaucoup de familles pauvres, c’est l’occasion de s’échapper de la misère.

L’ intrigue imaginée il y a plus de deux mille ans fait donc encore sens aujourd’ hui ?

C’est une pièce très contemporaine, à la mise en scène cinéma- tographique, qui conserve la forme antique de la tragédie d’Euripide. Le spectateur navigue entre les deux univers sans contradiction. La preuve que la tragédie grecque est universelle : le destin, la vengeance, les dieux, les pulsions, le choix... Tous ces ingrédients font partie de l’être humain. Ils n’ont pas pris une ride !

Il y a cette caravane, ce jukebox... cette Amérique du monde moderne, et pourtant, il y a encore des dieux ?

Les Grecs ont, dit-on, inventé des dieux à leur image. Mettre les mortels dans la même arène que les dieux, c’est passionnant mais ça complique la notion de destin. Agamemnon ayant insulté les dieux, ces derniers ripostent en le privant des vents favorables à son retour, par exemple. Les dieux sont très proches de ces personnages. Ils sont au cœur de leurs choix. Et c’est ça être humain, se trouver souvent en difficulté et faire des choix !

Dans son monologue, Clytemnestre dit : “Qu’est ce que la vie sinon ce que tu en fais pendant le temps que tu passes dans une piaule pourrie entourée de zombies”. Y a-t-il dans la pièce une forme de nihilisme, de désenchantement ?

Absolument. David Turkel a mis beaucoup de références aux films américains de morts-vivants. Il a ce génie de s’appuyer sur l’intrigue d’Euripide pour faire une critique du rêve américain qui s’est transformé en un pays perpétuellement en guerre. Il a voulu questionner la faille dans la construction du rêve américain à travers le destin tragique de cette famille. Et les zombies sont aussi ces hommes qui, pour faire la guerre, doivent se mettre dans des états seconds. L’une des grandes questions que pose la pièce : se demander ce qu’est la guerre aujourd’hui. Quel sens a-t-elle ? Quel rapport à l’étranger induit-elle ? Les Grecs parlaient de barbares, nous aussi... Tout cela est présent dans la pièce, dans un registre poétique.

Et Clytemnestre choisit de se venger...

Oui, pendant dix ans, elle ressasse la même tragédie et souffre du meurtre de sa fille par son mari. Qu’a-t-elle fait pour rendre les choses plus dignes ? Dans le monologue de la première partie de la pièce, on a cette trame de la tragédie sur une musique country très prenante. Au retour d’Agamemnon, qui sera la deuxième partie de cette pièce, Clytemnestre va enfin être libérée de tout ce qu’elle a subi, dans la mort. La vengeance a quelque chose de très antique, elle a progressivement été remplacée par l’idée de la justice. Mais on voit dans le monde actuel ces mêmes tensions qui mènent à la vengeance, à la radicalisation. La question de la responsabilité est posée.

“Le destin, la vengeance, les dieux, les pulsions, le choix... Tous ces ingrédients font partie de l’être humain.”

saison 2016-17
clytemnestr@pocalypse au Théâtre National de Nice
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