[ Coproduction ]

centaures, quand nous étions enfants

D’APRÈS L’HISTOIRE VÉRITABLE DE CAMILLE & MANOLO | TEXTE & MISE EN SCÈNE FABRICE MELQUIOT

avec Camille & Manolo, Indra [pure race espagnole] et Gaïa [frison] avec les voix d’Elsa Scholler, Timeo Bonnano, Lua Gaggini, Laurent Schefer, Christiane Suter, Claude Thébert assistante à la mise en scène Mariama Sylla chorégraphie équestre Camille & Manolo lumière Jean-Marc Serre son Nicolas Lespagnol-Rizzi photographie Martin Dutasta production déléguée Théâtre Gymnase - Bernardines - Marseille coproduction Théâtre Am Stram Gram - Genève, Théâtre du Centaure - Marseille, ExtraPôle Région SUD, Théâtres en Dracénie - Scène conventionnée dès l’enfance et pour la danse - Pôle régional de développement culturel, Théâtre National de Nice - CDN Nice Côte d’Azur. Texte publié aux éditions La Joie de lire, dans la collection La Joie d'agir en partenariat avec le Théâtre Am Stram Gram - Genève.

Avec leurs sublimes étalons, le célèbre couple d’artistes circassiens Camille et Manolo raconte un monde merveilleux de chevaux et d’hommes. À force de rêver, ils ont fait renaître un mythe, celui du centaure, une chimère d’enfants devenue le sel de leur vie. De l’enfance à la rencontre amoureuse, de l’utopie au réel, voici l’histoire magique d’un couple hors du commun et des créatures qui les prolongent.
La puissance des cavales s’exprime tout en délicatesse dans un corps-à-corps où règnent l’harmonie, l’écoute et l’amour. Où se termine le cheval, où commence l’humain ? Une symbiose rare, tendre et amoureuse avec le cheval !

Quand le théâtre de Fabrice Melquiot rencontre l’art équestre, nous vivons un moment de perfection, tout près des centaures !

« Le rythme des sabots, l’écume des museaux, les croupes luisantes, leur odeur puissante, loin d’être des artifices, accentuent l’impact physique et la sensualité des mots. »
Le Monde
« La singularité du Théâtre du centaure n’est plus à prouver. Face à la barbarie du réel, la beauté sauvage des centaures trouve une exceptionnelle force d’impact. »
Télérama

ATELIERS À RETROUVER DANS LE PROGRAMME DÉTAILLÉ DU FESTIVAL.
RENCONTRE EN BORD DE SCÈNE LES 25, 26 ET 27 OCTOBRE.

Interview Fabrice Melquiot

Propos recueillis par Caroline Audibert

Comment s’est construit votre spectacle qui est une porte ouverte sur l’intimité de ce couple de cavalier mythique, Camille et Manolo, les créateurs du Théâtre du Centaure à Marseille ?

Je souhaitais depuis longtemps raconter leur histoire, que je trouvais singulière et forte, transposer leurs biographies respectives en un récit éclaté, un puzzle qui évoquerait quelques événements constitutifs de leur identité : des aspirations, des paysages, des rencontres. J’ai longuement échangé avec Camille et Monolo, accumulé beaucoup de matériaux écrits suite à nos rendez-vous au Théâtre du Centaure. Je leur ai demandé de sélectionner des documents de mémoire : croquis, photographies, carnets.

Est-ce un récit biographique, une plongée dans la mythologie, un pur spectacle équestre ?

Même si les sources sont biographiques, si la forme inventée vient du réel, le spectacle s’offre comme une fiction. C’est toujours le cas quand on passe de la trace au récit. Quand on se souvient, on imagine. Imaginer revient à combiner des souvenirs entre eux, tisser des réminiscences. Le spectacle est à la fois un récit mythologique, un conte contemporain, une histoire d’amour entre une fille et un garçon qui savent qu’il ne suffira pas d’être une fille et un garçon pour que l’amour soit vivable. Il faudra compléter son corps, le transformer. Que le corps humain accueille le cheval comme une part de soi.

Deux cavaliers, deux superbes chevaux sur la scène, ce spectacle parle aussi de rêves d’enfant ?

J’aime cette phrase de Manolo à 5 ans qui répondait à qui lui demandait quel métier il exercerait plus tard : « Quand je serai grand, je serai un château, avec des artistes et des chevaux. » Il espérait déjà un lieu, une hétérotopie, ce qu’est devenu le Théâtre du Centaure, qu’il a créé à Marseille avec Camille. Un lieu à la fois à part et en lien. Une parenthèse ouverte sur son quartier. Des artistes, des chevaux, des gens. Le spectacle lui-même est contenu dans ce rêve d’enfant.

Des chevaux sur une scène de théâtre, c’est un véritable défi. L’aviez-vous déjà relevé ?

J’ai rencontré Camille et Manolo il y a quinze ans, à l’occasion d’un atelier d’écriture que j’animais et auquel ils participaient. Nous avons fait connaissance, nous nous sommes revus. J’ai écrit pour eux le manifeste du Théâtre du Centaure. À leur invitation, j’ai composé ensuite Otto Witte, un monologue pour David Mandineau et Koko, le baudet du Poitou du Théâtre du Centaure. Camille et Manolo ont mis en scène ce spectacle. Nous avons ensuite réalisé Flux. J’ai très vite été frappé, emporté, par la poétique propre au Centaure, par les possibilités qu’offraient ces corps hybrides sur un plateau. Les perspectives sont aussi belles que les contraintes. Le cheval impose son rythme, ses exigences ; il réclame de l’écoute de chaque instant, du calme, une empathie profonde. Il est un miroir exemplaire et il faut lui offrir le meilleur reflet possible.

Dans cette création, la présence du cheval sur scène permet-elle d’ouvrir un espace imaginaire qui nous parle des mythes ?

Sa présence circonscrit un champ de réflexion et de fantaisie inhérent à la relation avec l’animal. Le centaure mythologique était sauvage et violent. Dans L’Iliade, Homère emploie le mot bête pour le désigner. Nous nous sentons loin de ces évocations. Ce que cherchent Camille et Manolo dans leur travail, c’est l’harmonie et la délicatesse, un rapport pacifié, égalitaire. Une alliance, une amitié. Nous tâchons de mettre l’animal au centre de nos pensées, de nos préoccupations artistiques et humaines. Les textes de philosophes comme Florence Burgat se sont révélés importants pour renforcer notre démarche. Si le théâtre est un espace où l’on questionne l’être ensemble et le faire ensemble, le centaure incarne une créature exemplaire de ces enjeux.

Par la relation singulière, très charnelle, qu’entretiennent Camille et Manolo avec leur double animal, on fait l’expérience de cette amitié dont vous parlez ?

Je l’espère ! Je crois que c’est un spectacle tendre et tendu, un spectacle qui nous renvoie à notre écoute et à sa nécessité, à l’attention qu’on porte aux êtres et aux choses, mais aussi à son propre corps et aux espaces qu’il habite. En explorant le lien entre Camille et sa moitié animale, Gaïa, un superbe Frison, et le lien entre Manolo et Indra, un pur-sang espagnol, on explore toutes nos relations d’amour et d’amitié.

Mais cette amitié n’est pas gagnée. Ici, par la proximité avec les centaures, ne souhaitez-vous pas mettre le spectateur en contact avec cette part sauvage et indomptée ?

Le centaure, c’est le monstre hybride, l’ubris pour les Grecs ; il dit la démesure. Faire galoper deux centaures sur des plateaux de 100 m2, c’est donner au spectateur la possibilité de ressentir la puissance extraordinaire de ces créatures, de toucher leur étrangeté, d’embrasser leur poésie. Sans risque, pas de grâce. Bien sûr qu’il y a un risque, des risques. Tout peut échapper, toujours. On joue sur des pentes, au bord de falaises. C’est le propre du théâtre, qu’on travaille avec des humains ou des chevaux. Au théâtre, on met tous les soirs en scène la fragilité, on ne l’oublie jamais.
L’autre réalité du Théâtre du Centaure, qu’on évoque dans le spectacle, c’est la vie quotidienne, le quotidien avec les chevaux. Le travail photographique de Martin Dutasta rend magnifiquement compte de l’atmosphère du Centaure. Pour tous les acteurs impliqués dans la vie du lieu, quelles sont les contraintes, les nécessités, les tâches ? Comment faire en sorte qu’elles fassent toutes partie du poème vivant qu’ils composent jour après jour ? Il faut une constance, une ferveur, une conviction, une endurance énormes. Il faut croire. En creux, le spectacle pose cette question : à quel point suis-je prêt à donner mon cœur ?

Le centaure, c’est donc une métaphore de nous-mêmes… Nous dit-il comment nous y prendre avec cette part sauvage en nous ?

Nous sommes tentés par la violence, piqués par des pulsions. Nous sommes violents d’une certaine manière. Vivre, c’est peut-être reconnaître cette violence, apprendre à dialoguer avec elle, la détourner, la sublimer, lui donner des formes, lui tendre des masques. La délicatesse, c’est cette violence qu’on embrasse, qu’on caresse, qu’on distrait.

Le spectateur ressort-il transformé de cette expérience ?

Je crois, pour l’avoir souvent vérifié, que les processus de création et les relations collectives qu’ils organisent nous invitent à aller à plusieurs dans le sens de la joie. En tout cas, chercher à trouver ou retrouver le sens de la joie, de la joie qu’on partage. Penser, c’est chercher la joie. Ecrire aussi. Converser. Essayer. Répéter. Orienter ses actions vers la joie, sinon il faut faire autre chose. Etre spectateur, c’est pareil. On cherche dans le regard, dans le silence, dans l’écoute, dans la sensation comme dans la réflexion, le sens de la joie. Sans la possibilité de la joie, c’est tout le champ politique qui rétrécit. Souvent, on s’étonne du nombre de pièces que j’ai écrites. Mais c’est ma façon d’habiter poétiquement et politiquement le monde et c’est un geste qui vient d’une joie et s’en va vers une autre. L’écriture, le théâtre, essaient de prendre soin de ce désir, de cette aspiration. Nous avons tous besoin que nos actes, nos pensées, nos liens, soient portés par la joie. Sans ça, comment transformer les actes, les pensées, les liens ? Et comment se transformer ?

La joie, c’est peut-être l’expression de la liberté dans le lien, et c’est cette même liberté qu’on peut observer entre les centaures de votre spectacle ?

Question de liberté, assurément. D’apprivoisement des peurs et des espoirs. Au théâtre, on vient vérifier à quel point tout est conquête. Artisanale, modeste et insensée. Ce n’est pas pour réussir quoi que ce soit, il n’y a rien à réussir. Mais pour accepter sereinement qu’on puisse rater, accepter qu’on puisse essayer pour essayer, pour la beauté de l’essai. Oui, essayer d’être libres, provisoirement. Le temps d’un regard ou d’un galop. Parce qu’il est si difficile d’habiter son corps, d’habiter sa langue, d’habiter chaque instant. Le théâtre nous dit : c’est rare, c’est précieux, prenez.

saison 2018-19
centaures, quand nous étions enfants
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